ATCHOUM

20h52 sur l'holohorloge du bar Lorlogetoorne.

Joe Chip, comme à son habitude, venait dépenser son temps et son argent (obtenu en échangeant son temps à effectuer des tâches qu'il n'avait pas spécialement envie de faire.)

Joe était du genre pas drôle, pas commode, et super sûr de lui. Bref, un type cool.

Joe Chip buvait son 3e verre de BB, Broie Boyaux, boisson avec pour particularité d'être très forte, très bonne, mais d'envoyer les effets néfastes de l'alcool : maux de tête, sensation persistante d'inutilité, identification de la fragilité de notre enveloppe corporelle dans le passé.

Super ? Sur le papier, oui, mais attention à ne pas tuer votre vous dans le passé car cela compromettrait votre beuverie du jour et celles à venir.

Bref, un mardi normal.

Entra dans le bar Léo.

Léo venait sacrément moins souvent que Monsieur Chip, mais assez souvent pour que le Robot serveur alias “Jarif” débarque et lui serve automatiquement un Adieu2main sans glaçon.

Particularité ? Aucune. Hormis que le nombre total d'Adieu2main que l’on peut consommer dans une vie était limité à 100.

Dans la publicité, on retrouvait “ Adieu2main c'est avant tout la possibilité d'en boire 100 dans une vie sans mourir”.

Publicité s'avérant mensongère car un individu avait sur 10 ans réussi à en boire 104 avant de mourir au 105e.

Comme quoi ils nous veulent du bien.

Léo Bouléro se pressa de boire son Adieu2main, son 92e, à ce moment il pensa “faudrait que je songe à arrêter, satané Jarif, il joue avec ma vie ! Mais c'est trop bon et puis après tout j'en ai encore 8 de marge ou est-ce 6 ? Peu importe”.

Par sécurité, le verre suivant fut un Ciao Bella, sérum alcoolisé permettant d’oublier une peine de cœur par verre absorbé, autant vous dire que plus aucune peine de cœur n’habitait Léo depuis bien longtemps.

Léo n'était pas fan de l'assise qu'offraient les tabourets près du bar, pas agréable, pas confortable. Il vit qu'une place était disponible à côté d'un mec pas chic du tout. Ce mec, c'était Joe Chip.

Joe était sacrément bon dans ce qu'il faisait, c'est-à-dire être désagréable et souvent en désaccord.

Il pouvait être en désaccord avec la manière de marcher d'une personne, sa manière d'avoir des manières, sa manière de tenir une bière.

Et savait “qu'à la place de ce type, il aurait pas fait pareil, qu'il aurait même fait vachement mieux”.

De ce fait, quand Léo Bouléro alla s'installer avec sa Ciao Bella à la main à la table de Joe Chip, la discussion fut des plus prévisibles.

— Mhh, bougonna Joe.

— Quoi ? lança Léo.

— Je t'ai pas sonné, répondit Joe.

— Eh bah moi non plus ! Dit Léo

— Y a plein de places partout et tu viens m’emmerder, à ta place j’me serais mis ailleurs et même que...

— C’est quoi ton souci ? J’ai tout de même le droit de m’asseoir à une table ! S'exclama Léo

Joe lui lança un regard des plus froids et répondit : “cette table, cette satanée table, c'est la table où je me mets souvent et j’aime me mettre souvent seul à cette...

(Joe arma un mouvement des plus classiques, des plus efficaces, il tapa sur la table pour finir la phrase...)

Table ! Finit Joe

Et tapa sur la table.

Il tapa comme quelqu'un qui tape sur une table et se dit que c'est vachement mieux pour transmettre une information.

Mais il se passa quelque chose qui ne s'était jamais passé dans toute l'histoire de l'univers, du non-univers et du reste se situant entre les deux.

L'intégralité des informations contenues dans la table explosèrent.

Jusque-là, pas de problème, Qu’est-ce qu’elles vont nous faire les informations ? Nous pourrir la vie ? Nous rendre tristes ? Nous faire nous sentir inutiles ? Du déjà vu et même pas, car après tout la vie c’est quoi ? A part un truc où on ne choisit pas quand ça commence, on ne choisit pas comment ça se passe et on ne choisit pas quand ça se finit. Génial !

Poursuivons.

Dans l'explosion d’informations, on entend : mise en orbite autour de Joe et Leo d’une quantité non identifiable de mini cristaux contenant des événements/moments inhérents à la table.

Ces cristaux orbitaient lentement autour de nos chers Monsieur Chip et Monsieur Bouléro.

Le temps autour d'eux s'était arrêté et toute chose au-delà de l'orbite des cristaux était floue et lointaine. Voici une liste exhaustive des trois informations les plus intéressantes concernant cette table.

- Cristal N° 436 : “Ras le bol de cette mine, de cette ferraille et de ce silence !!” , c’était la pensée qui traversait l’esprit d’Hector, le robot sourd/muet/pensant travaillant dans une mine sur Mars, mine dans laquelle on avait arraché au sol le métal ayant permis la création du pied de la table.

- Cristal N° 57 200 : Toutes les rayures, chaque rayure faite, une compilation de tous les moments où des clefs, des ongles ou des dents ont rayé cette pauvre petite table. (Joe et Leo détournèrent rapidement le regard car voir un Best Of de 400 000 rayures en 10 secondes ce n’est pas agréable, à l’occasion essayez).

- Cristal N° 203 695 : Le meilleur pour la fin, ici la “possibilité” de ressentir toutes les perceptions différentes de “brun” ressenties par toutes les personnes ayant posé le regard sur cette table. Voir autant de teintes de bruns différents, vous vous en doutez, ça engendre une réaction physiologique des plus prévisibles : la sensation de chatouillement dans le nez, surtout chez Joe, qui avait un sacré gros nez.

Le souci, c'est que ça ne pouvait pas rester comme ça.

Il y eut l'effet boomerang qui se manifestait par le retour des informations dans la table sous la forme de flux de cristaux. (Dieu venait de mettre cela en place de manière expresse pour, je cite “conserver l’intégrité de l'univers, du non-univers et du reste se situant entre les deux.” Elle a bon dos l’intégrité de l’univers.)

Les informations voulurent donc retourner à l'envoyeur, c'est-à-dire à la table.

                                                                                                     Parenthèse sur l'effet boomerang

Cela soulève une question : est-ce que tout ce qui suit quelque chose d’imprévu dans l'univers est créé ? Ou peu importe ce qui arrivera, tout continuera de “tourner” ?

C’est vrai ça, on n'est pas à l’abri de faire quelque chose qui engendrerait un effondrement de l’univers, ouvrir une porte d’une manière “non prévue à cet effet” par l’univers. Et BOOM, effondrement, sans passer par la case explosion d’informations cette fois... C’est possible non ? Si ça ne l’est pas veuillez le prouver, merci. Pendant ce temps, veillez à ouvrir correctement vos portes et faire uniquement des choses « prévues à cet effet ».

Peut-être tout ce qui est « est prévu à cet effet » ? Aucune idée.

                                                                                   Fin de la parenthèse sur l’effet boomerang

Étant donné que le nez de Joe chatouillait, son corps (entité indépendante de son esprit) déclencha un éternuement.

Son corps se projeta un petit peu vers l'arrière, puis tout d'un coup se crispa, s'enroula vers l'avant et expulsa un gros volume d'air en très peu de temps.

ATCHOUM

Le souci, c'est qu'en projetant sa tête vers l'avant, il se mit sur la trajectoire des informations revenant à la table et toutes les informations rentrèrent dans sa tête. Absolument toutes.

Ce qui entraîna une chose des plus classiques : l'explosion de son encéphale avec un bruit de verre brisé.

Léo Bouléro, un petit peu choqué, s'attela à nettoyer les restes de cervelle cristallisée de Joe et en conclut quelque chose de très intéressant :

Il est difficile de mettre dans un cerveau humain toutes les informations inhérentes à une table.

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