Partie 1

Les Klagons étaient prêts. Ils quittaient leur planète, dévastée par des millénaires d’exploitation intensive, ayant détruit sols, océans et biosphère, en vue de partir, de s’en aller, consommer toutes les ressources de leur planète, la planète Ihtah. La préparation de cette opération d’abandon de leurs habitats, d’abandon de la planète qui les avait vu grandir, était extrêmement précise. Les naissances étaient contrôlées depuis des siècles, en vue d’atteindre un nombre idéal de voyageurs, de ne laisser personne sur cette planète morte, sur ce morceau de caillou desséché, dénué de toute vie.

Les Klagons mesuraient entre 2 et 3 mètres de haut, possédaient quatre bras fins et musclés, ainsi qu’une peau jaune pâle. Un périmètre crânien important mais avec des mâchoires gigantesques, des dents acérées. Un immense cerveau pour créer, une grande mâchoire pour détruire.

Dans l’histoire de cette civilisation, une philosophie ressortait : mettre l’intégralité de l’énergie disponible dans un seul objectif, ce qui leur avait permis d’aller extrêmement loin dans le développement technologique. Lorsqu’ils constatèrent que l’impact qu’ils avaient sur leur planète n’était pas rattrapable, le conseil général planétaire décida de puiser, d'exploiter les ressources jusqu’à épuisement en vue de coloniser une autre planète.

Leurs vaisseaux d’invasion planétaire étaient d’une taille et d’une puissance gigantesques. Leurs instruments de terraformation étaient extrêmement perfectionnés. Ils pouvaient, selon les notices explicatives de leurs instruments, terraformer complètement la planète cible en moins d’une génération Klagonienne, soit 10 années terriennes…

Leurs armes, greffées aux navires, pouvaient anéantir, brûler, décimer la population entière d’un continent, en faisant disparaître l’enveloppe corporelle des êtres ciblés. On entendit même que l’âme était détruite lors d’attaques réalisées par ces armements (voir avec Dieu).

100 millions, voici le nombre de Klagon présents dans les soutes, dans les tourelles à canon photonique et dans les postes de contrôles. 100 millions d’êtres prêts à tout pour vivre, survivre, à un autre endroit que sur leur planète mère, leur planète d’origine, qu’ils avaient exploitée jusqu’aux dernières limites du possible. Plus aucune espèce ne verrait le jour sur leur planète avant des millions d’années, une fois peut-être que la température de leur atmosphère redescendrait en dessous des 100°C.

Les énormes navires d’invasion étaient entourés d’une myriade de petits vaisseaux unipersonnels d’intervention d’attaque ou de défense. Ils escortaient les mastodontes de métal.

Un trou de ver à usage unique était placé non loin de la planète. Gigantesque orifice distordant l’espace et le temps, permettant à l’ensemble de la flotte de se rendre dans un autre système solaire. Il fallait que l’intégralité de la flotte passe en 15 minutes.

Partie 2

Vous vous en doutez bien, la planète qui est sur le point de se faire attaquer est la planète Terre. Toute la civilisation humaine si l'on regarde la force de frappe des Klagons risque d'être décimée en moins d'une journée. Embêtant.

Lorsque nos supers extraterrestres en colère sont sortis du trou de ver artificiel, disponible pendant 15 minutes, un super champ de force immobilisa l'intégralité de la flotte dès sa sortie. Impossible de bouger. Tous les appareils étaient figés, aucun moyen d'accélérer, de ralentir ou de tourner. Mais par chance, un des petits vaisseaux placés autour des gros navires, avait conservé de l'autonomie et avait pu tirer sur des petites balises placées tout autour d'eux, qui semblaient créer le champ de force. En détruisant quelques-unes de ces balises, le champ de force s'arrêta puis la flotte put redémarrer. Sans prêter trop attention à cela, ils continuèrent. Cependant, cela semblait étrange. Comment cela se faisait-il ? Des systèmes de défense mis à cet endroit précis en vue d'une invasion. Pourtant la Terre ne semble n'avoir jamais été attaquée et tout le monde s'en fout de la Terre. C’est d'ailleurs ce qu’il y a écrit sur toutes les cartes spatiales. On retrouve les lettres suivantes : La Terre OST, autrement dit : La Terre, on s’en tape.

Fiers de leur première avancée, les Klagons continuèrent.

Pour le moment, l'astre bleu semblait loin et encore tout petit. Mais avec leurs navires de guerre ultra-perfectionnés, ils se déplaçaient dans l'espace-temps très rapidement, permettant de se rapprocher de plus en plus de la planète bleue. Celle-ci grossissait petit à petit. Quand tout d'un coup, à nouveau, tout se figea. Toute la flotte fut arrêtée et plus aucune machine ne fonctionnait. Le problème des extraterrestres en colère, c'est qu'ils ne parlent pas très bien anglais. Il y avait écrit, avec des lettres qui flottaient en plein milieu de l'espace, juste devant eux, assez grosses pour que tous les voyageurs des super vaisseaux les voient. Il y avait écrit : toll section, ce qui veut littéralement dire section de péage. Et le problème avec les sections de péage terrestres, c'est que celles-ci sont tellement perfectionnées que dans le cas où un individu ne paye pas, il ne passe pas. L'intégralité de la flotte de décimation civilisationnelle fut arrêtée. Car oui, cela faisait bien longtemps que la gouvernance planétaire terrestre avait décidé de laisser la gestion des sections de péage à une entreprise privée. Elle s’appelait JVOUSAIGN.

Ce qu'il fallait comprendre, c'est que ces péages étaient si sécurisés pour éviter toute fraude qu'une personne n'ayant pas la capacité de payer était tout simplement totalement bloquée. Le problème ici, c'est que les extraterrestres en colère n'avaient pas de monnaie pour payer et ils ne savaient pas lire la langue. De ce fait, toute la machinerie était à l'arrêt. Car quand on a de l'argent, on peut payer ; quand on n'a pas d'argent, peut-être qu'on peut payer plus tard ; quand on n'a pas l'argent, on peut faire un prêt. Mais quand le mot argent n'existe pas dans notre tête, eh bien, on ne passe pas. Qu'on soit un extraterrestre en colère, un chien avec des plumes ou toute autre idée loufoque qui vous passerait par la tête.

Cependant, tout ne peut pas toujours mal se passer. Devoir quitter sa planète natale après l'avoir surexploitée, c'est quand même quelque chose d'assez triste. Et dans toute cette tristesse, un peu de bonheur ou du moins un peu de chance, ça ne peut pas faire de mal. Souvent, on entend parler de bonne étoile. Et il faut savoir qu'il n'y a pas que les humains qui ont une bonne étoile. Les extraterrestres ont aussi en quelques sortes, un ange gardien.. Et il s'avère que KA12UI, personnel de l’équipage Klagon, tourelle 256-B sur la portion droite du vaisseau 65, avait avec lui un peu plus de chance que les autres, car l’existence de son ange gardien se manifesta à ce moment même dans le passage de Monsieur Meyerson. Monsieur Meyerson était un habitant de la planète Terre des plus particuliers. Il est sans doute le seul à pouvoir se déplacer dans l'espace intersidéral, froid et hostile à notre existence, en vaisseau spatial décapotable. Vous me direz, comment est-ce possible ? Je vous répondrai, peu importe. L’important à retenir c’est que notre fameux Monsieur Meyerson, arrivé au même moment au niveau de la section de péage, chantonnait une musique visiblement dérivée du rock. Il voulut payer et c'est à ce moment-là qu'il regarda vers le haut et vit l'immense flotte de guerre et d'invasion de nos extraterrestres en colère préférés.

Comme tout homme avec un minimum de style, Meyerson entreprit de hausser les épaules et de passer deux fois sa carte d’hypercrédit, ce qui entraîna l’autorisation de son passage ainsi que celui de toute la flotte de destruction extraterrestre (entraînant par la même occasion une dette sur son compte bancaire que des dizaines de générations après lui durent continuer de rembourser).

Les Klagons ne comprenaient rien, si ce n’est qu’ils arrivaient tant bien que mal à avancer.

Cette fois-ci, ce devait être la bonne, plus qu’à foncer tout droit et anéantir une bonne fois pour toutes ces satanés humains !

Moteurs à plein régime, destination la Terre.

Quand, évidemment, tout d’un coup, arrêt sur image. Mais cette fois-ci, quelque chose de beaucoup plus troublant. Une mini libellule de l'espace vint se positionner devant le champ de vision de tous les Klagon et d’un coup d’un seul, les 100 Millions de Libellules projetèrent comme un diaporama les images et les sons suivants :

“Chers voyageurs de l'espace, un petit spot publicitaire à regarder avant de pouvoir avancer, à moins que vous ayez le Pass Tranquillité, mais si vous entendez ce message, vous ne l’avez pas.”

“Les sommiers RONFLAX sont les meilleurs de tout le système solaire. Ceux-ci vous permettent d’avoir la sensation d’être en apesanteur pendant votre sommeil... Le tout accompagné d’un enregistrement audio de chants stellaires des baleines spatiales de la nébuleuse de Magellan...”

Les terriens avaient visiblement des systèmes de défense étranges. Les Klagons ne comprenaient rien à ces messages, à cette langue, à ces cercles dorés qu’il fallait insérer dans des trous.

Mais bon... Les systèmes de défense ne semblaient pas très efficaces sur la durée car désormais ils pouvaient passer. La planète n’était plus très loin et aucun vaisseau de combat ne s’était approché pour en découdre et défendre cette fabuleuse planète.

En avant toute, destruction imminente.

Les Klagons arrivaient presque à la bonne distance pour mettre en marche les armes de destruction suivies des machines de terraformation quand tout d’un coup, une nouvelle libellule de l'espace (qui semblait visiblement être un mini-insecte volant pouvant se faufiler n'importe où) vint à nouveau se placer devant le champ de vision de tous les Klagons.

Mais cette fois-ci, c’était un système de défense que la patience ne permettrait jamais de vaincre.

"Toujours pas de Pass Tranquillité ? Merci de remplir notre questionnaire. Comment avez-vous trouvé la publicité des matelas RONFLAX ? Merci de formuler vos réponses en 2500 caractères, espaces non compris, de cocher le smiley en lien avec votre émotion du moment et enfin, plutôt Pepsi ou COCA ? Et pourquoi ?”

Cette fois-ci, c’était un questionnaire de satisfaction... Avec la nécessité de... prouver que l’on n'est pas un robot IA (rien de plus compliqué) et de renseigner en plus de cela une réponse écrite en langage naturel avec un sens. Sinon, impossible de se débloquer.

Ce fut donc impossible pour les Klagons de trouver une seule réponse adaptée, ils ne connaissaient pas la langue, les idées à transmettre, tout était trop compliqué et même... Il fallait prouver que l’on n'est pas un robot IA, tâche complexe (la meilleure technique restant d’écrire une blague avec des fautes d’orthographe).

De ce fait, l’intégralité des passagers des vaisseaux Klagons moururent de faim et de soif en quelques jours et un vaisseau automatique de ramassage des ordures vint ramasser les carcasses métalliques vides de toute vie.

Ces mécanismes de défenses insolites sont dus au surdéveloppement des systèmes antifraudes, publicitaires et de péages mis en place par les grandes sociétés terriennes. Plus aucune attaque extraterrestre ne fut possible après ces installations.

Existe-t-il des systèmes de défenses après ces péages ? Questionnaires ? Sections publicitaires ? Bonne question. Certains racontent qu’ils tirent sur les assaillants avec les cadavres de leur propre population... Avec des canons disposés sur la planète. En guise de dissuasion... Sans doute une rumeur... 

Au final, envahir une planète, ça ne se fait pas comme ça. Pensez à prendre votre Pass Tranquillité, (Le Pass Tranquillité est unipersonnel et ne s’applique pas pour un couple, un groupe ou une civilisation, aussi en colère soit-elle).

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