
Merde, ma copine est un robot
L’amour, quelle idée de merde.
Nous en discuterons lors d’une prochaine histoire sur Dieu et Ses Créations de Merde.
Lorsque l’on tombe amoureux, on ne choisit pas grand-chose, ni le lieu, ni l’endroit, ni l’emplacement, ni la localisation. Et encore moins de qui l’on tombe amoureux. Ça nous arrive comme ça, sans prévenir, sans raison valable, un peu comme les problèmes gastriques. Et sans doute encore moins la destinée de la relation avec qui l’on choisit de ne pas être. Globalement ça foire à chaque fois, et même quand ça ne foire pas, ça aurait dû, mais d’un commun accord les personnes décident de rester ensemble, ahahaha bandes de débiles.
Ceci étant dit, je vais vous raconter l'histoire que j'ai vécue avec ma compagne, ma copine qui, croyez-le ou non, est un robot.
Avant toute chose, pour les personnes qui ne finiront pas cette histoire par fainéantise, voici une liste exhaustive vous permettant de détecter si votre compagne est un robot :
Elle n'est globalement pas chiante.
Fin de la liste
Si c'est le cas, veuillez contacter l'Observatoire Intergalactique de la Robotique Amoureuse.
À l'issue de la lecture de cette liste, nous pouvons commencer.
J'ai pu rencontrer VSEL T-54 (Charlotte) lors de la 25e année de mon existence sans but. Charlotte était d'une taille de 176 centimètres et d'un poids de 67 kilogrammes, les cheveux courts, les yeux verts ou bleus (dépendant des variations gravitationnelles), une mâchoire relativement carrée, des yeux fins et rieurs, qui donnaient l'impression que tout ce qu'on disait était drôle ou suspect (tout dépend si l'on a des choses à se reprocher). Une grande bouche composée d'un nombre normal de dents, mais lorsqu'elle riait, on avait souvent l'impression qu'elle avait trop de dents dans la bouche, flippant et séduisant. D'une allure élancée, des longues jambes, des longs bras, constamment vêtue d'une combinaison spatiale dernière génération bleu marine avec une bande blanche latérale, proche du corps, avec quelques poches disposées sur les portions externes des bras.
Vous me direz, tu aurais pu te douter qu'une fille constamment en combinaison spatiale Dernière génération, c'est louche ? Alors oui, mais on ne peut pas être bon partout, ok ?
Bref,
Elle n'était globalement pas chiante.
J'étais heureux, j'avais confiance en elle, elle en moi, me parlait de choses que je ne comprenais que difficilement. Son métier consistait à comprendre les phénomènes incompréhensibles de l'univers. Cette agence était située à côté de la boulangerie Vousavezunéclairchoco ? à Sargueminus.
Bien souvent, j'allais manger avec elle entre midi. Nous discutions, nous buvions, elle me faisait rire et était sacrément belle. Nos soirées étaient simples, composées d'échanges et d'alcool, de chamailleries, qui bien souvent étaient infondées et dues à mon caractère « hermétique à toutes conceptions autres que les miennes » (je ne suis pas d’accord).
Il faisait statistiquement plus beau quand elle était là.
Je n'avais aucune crainte concernant les autres hommes car, de toutes façons, tous la trouvaient belle, aucun ne la comprenait, et elle avait une capacité à envoyer balader ces fameux prétendants d’une manière si puissante qu'à la fin, je croisais les doigts pour qu'un enfoiré l’accoste dans la rue.
J'ai oublié de spécifier, je ne comprenais pas pourquoi elle était avec moi. Malgré toutes ses explications, logiques, intéressantes et poussées, je ne comprenais pas. Mais jusqu'ici, aucune information ne me permettait de déterminer si elle était un robot. Et un beau jour, alors que nous étions en balade dans la forêt de Yadlabouepartoutputain, nous marchions sur un petit chemin paisible au milieu des arbres. Les oiseaux chantaient, le soleil faisait de petites percées à travers les feuilles des chênes et des hêtres, tapissant le sol de formes lumineuses entourées d'ombre profonde.
Lorsque soudain, sans prévenir, sinon ça ne serait pas drôle, le vent se mit à souffler, à tordre les branches (et mon courage), puis un grand CRAC
PUIS
Désolé pour les majuscules inutiles.
Puis un arbre voulut de son plein gré BlackSabbatre sur moi.
Tout se passa très vite. Charlotte attrapa l’arbre au vol et le déposa délicatement au sol. Elle explosa de rire et me lança :
“ Ahahahah, c’est quand même fou de faire cette tête alors que je viens de te sauver la vie, et tu sais quoi ? “.
“ Quoi », lui répondis-je.
“Feur”, me rétorqua-t-elle
(Je vous avais dit, elle est sacrément drôle).
“Je suis un robot, Arthur, mais pour aucune raison valable, je suis tombée amoureuse de toi. C’est ma première relation amoureuse, je réponds à tes questions immédiates là, hein ? »
“Oui, lui répondis-je”
“Stiti” rétorqua-t-elle.
Ces douces conversations se suivirent d'un long silence. La tempête avait cessé, les oiseaux chantaient, comme si ce phénomène devait arriver pour que je sache que l'être de qui j'étais éperdument amoureux n'était juste totalement, absolument pas ce que je pensais. Ce qui, à ce moment-là, peut provoquer chez la plupart des personnes une sensation relativement désagréable, comme l'envie de vomir ou de se rendre compte que les champignons sont cachés sous la couche de fromage sur une pizza et qu'il faut les enlever un par un car on n'a pas envie de perdre son âme (voir l'article paru dans la revue ScienceUnivers sur l'annihilation de l'âme par la consommation fréquente de champignons).
Bref, une sensation relativement désagréable.
Évidemment, j'ai ressenti tout l'inverse, je suis tombé outrageusement amoureux d'elle.
"Rentrons à la maison", me dit-elle.
Au bout de 45 minutes de marche et une question à laquelle je ne trouvais pas de réponse, qui était : "Elle peut porter un arbre, sérieux ? Elle aurait pu me prendre sur son dos et nous serions rentrés en 4 minutes. Mais bon..."
Toujours est-il qu'une fois arrivé à la maison, nous avons pu avoir LA DISCUSSION.
LA DISCUSSION ressemblait à ceci :
"Charlotte, j'ai besoin, tu t'en doutes, d'explications. Quel âge as-tu ? Comment peux-tu être amoureuse ? Qui t'a créée ? Vas-tu rester avec moi ?" demandai-je.
"500 ans standards terriens", répondit-elle dans un premier temps. "Pour l'amour, je n'en sais rien, quelle idée de merde, c'est quoi ces histoires de fourmillements dans le ventre désagréablement agréable ? Et surtout, c'est quoi ces pantoufles Arthur ?" répliqua-t-elle.
Je pris mes pantoufles géantes en forme de pizza que j'avais au pied (elle avait raison, j’avais pris la mauvaise habitude de les porter en sa présence) et les déposai dans le panier des "choses à désintégrer le plus rapidement possible sous peine de porter atteinte à la race humaine au sens large du terme". Un sourire se dessina sur mes lèvres quand je repensai à la dernière chose que j'ai déposée dedans. C’était mon chat, me semble-t-il, ou bien était-ce l'intolérance au lactose ? Peu importe.
"J'ai été créée par Aesmos", reprit-elle. "Le robot pensant philosophe dépressif, et oui, je vais rester avec toi", répondit-elle.
"Et me voir vieillir ?" demandai-je.
"À l'échelle de l'univers, tu seras toujours jeune ! Et extrêmement bête, mais jeune", plaisanta-t-elle.
"Tu as un vaisseau spatial ? Pourrions-nous voyager dans l'espace ?" demandai-je.
"Oui, mais..." Dit-elle.
"Mais ? Rétorquai-je
“Il y a un mais.... Le voyage dans l'espace entraîne des sensations que peu d'êtres humains sont en mesure de supporter.”
“Quelles sont ces sensations ?" demandai-je.
"C'est un mix de deux sensations horriblement désagréables pour les humains.”
“Dis-moi” lançai-je
“Tu l'auras voulu..., la sensation qu'entraîne le fait de se tromper de route sur l'autoroute et de voir sur le GPS que cela augmente le temps du trajet pour rentrer chez toi de 25 minutes et ajoute 1 péage, et qu'aucune, absolument aucune, autre solution n'existe. Connais-tu cette sensation ?" expliqua-t-elle.
Les poings serrés, les mâchoires crispées, je répondis que oui.
"Quelle est l'autre sensation ?" demandai-je.
"La sensation qu'entraîne le fait de marcher sur un Lego. Sur un Lego... Pieds nus... Et ces deux sensations se mêlent et s'entremêlent, et surviennent lors du voyage, aléatoirement...", répondit-elle les yeux larmoyant
Ça faisait encore une fois beaucoup, les deux pires sensations du monde entremêlées, survenant aléatoirement, bon sang. Il me fallait du temps pour réfléchir, alors j'ai pensé que je pouvais commencer à ranger l'armoire de ma chambre. Cette tâche pouvait prendre plusieurs heures et me permettre de gagner du temps, et Charlotte comprendrait.
C'est une tâche si importante !! Tellement plus importante que de mettre toute notre énergie dans la recherche contre le cancer ou de lutter contre le réchauffement climatique. Bah oui, bien sûr, ranger son armoire, si on ne le fait pas, c'est la catastrophe !!! La montée des eaux, c'estdelagrossemerdeàcôté.
“Je dois aller ranger mon armoire” lançai-je
“Je comprends” Dit-elle
J'entame cette tâche, les heures passent, le dégoût augmente, les gouttes de sueur perlent sur mon front. Quelle tâche ingrate, quelle tâche affreusement délicate ! Les t-shirts vont avec les polos ? Les polos avec les chemises à manches courtes ? Quelle chemise mettre sur un cintre ? Et puis une cravate, ça se range comment ? Et où ? À bout de force, je dévalai les escaliers et retrouvai la belle Charlotte et lui lançai :
"Je suis prêt, partons, au diable ces sensations, elles ne seront jamais pires que de ranger une armoire."
Elle me dévisagea. Je ne suis pas télépathe, mais je lus dans ses yeux, ses yeux qui, je le sais maintenant, ne sont pas humains. Elle devait penser quelque chose du genre : "Quel être stupide."
Et elle me répondit : "Allons-y, je vais te présenter Aesmos.”
Du haut de mes 24 ans je pense (sans me tromper) que c'est ça, l'Amour.
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